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« Le Royaume de l’insolence à l’aune des prétentions occidentales »

Posté par Jérôme Larché le 3 juillet 2011

Notes de lecture pour Grotius.fr 

La guerre de l’ombre des français en Afghanistan (1979-2011), par Jean-Christophe Notin (Editions Fayard, 2011)
 

Dans ce livre-document, et à l’heure où la France est engagée pleinement dans la guerre menée par les occidentaux en Afghanistan, J.C. Notin mobilise l’histoire contemporaine pour remettre en perspective les relations complexes, faites à la fois de proximité et de distanciation, entre ces deux pays. Avec un parti pris chronologique, indispensable pour la cohérence d’ensemble, il dessine à coup d’esquisses la multiplicité des rapports qu’ont pu entretenir les différents acteurs, sans oublier de décrire les terribles conséquences pour la population afghane du Grand Jeu qui, depuis des décennies, se rejoue sur leur territoire.    Pendant des années, les acteurs humanitaires ont côtoyé des moudjahiddins, des agents des services de renseignement  (CIA[1] et DGSE[2] notamment), des officiers de l’ISI[3] – les redoutables services secrets militaires du Pakistan – , et bien sûr les troupes de l’armée soviétique de l’opération Chtorm 333. Dans ce Grand Jeu du XXème siècle, les populations civiles afghanes ont été les principales victimes. Victimes directes des attaques brutales des soviétiques ou des conflits entre les différents clans de moudjahiddins qui, dans le respect des règles de la guérilla, avaient besoin de cette population pour s’y fondre. Victimes indirectes du cynisme diplomatique des grandes puissances, France et Etats-Unis en tête, mais aussi de la volonté sans faille du Pakistan à garder la main sur l’avenir politique de son voisin afghan, afin de préserver une  profondeur stratégique  face à son puissant rival indien. 

Dans cette « quête afghane », les ONG humanitaires françaises ont joué un rôle majeur, n’hésitant à mêler altérité et parfois idéologie. L’auteur souligne en effet que, si certaines ont nettement franchi les limites de leur mandat humanitaire – en participant parfois même aux combats contre les soviétiques -, la plupart  ont contribué à apporter un soutien alimentaire, médical, et moral, à des populations vulnérables (mais aussi aux chefs de clans et de groupes de combattants qui contrôlaient ces zones). Beaucoup de médecins, infirmier(es), et journalistes n’ont pas hésité à recourir à la clandestinité pour passer la frontière pakistano-afghane (via les zones tribales du Nord-Ouest) et franchir des cols enneigés à plus de 4000 mètres d’altitude. Les ONG ont également participé à la mise en lumière de chefs de guerre comme Amin Wardak et Ahmed Shah Massoud, se livrant au passage à un intense travail d’influence auprès des gouvernements et décideurs politiques occidentaux. Après la guerre du Biafra, le conflit des années 80 en Afghanistan reste un des évènements fondateurs des  French doctors. Pour l’anecdote, les humanitaires français qui ont vécu ces années-là s’appellent encore entre eux, avec beaucoup de respect mutuel, les « afghans ». Comme la mémoire est souvent sélective, il n’est pas inutile de rappeler que de nombreuses ONG non-françaises ont, elles aussi, été présentes sur le territoire afghan. La deuxième partie du livre de J.C. Notin traite de la coalition internationale et de tous les acteurs (agents secrets, soldats, politiques) engagés depuis 2001 dans la traque des Taliban et d’Al-Qaida. La place des ONG, devenue de plus en difficile et dangereuse en raison des stratégies contre-insurrectionnelles et de l’approche globale voulues par la coalition, est également évoquée. L’auteur rappelle par ailleurs les dissensions au sein de la coalition otanienne sur les objectifs avérés de la guerre menée depuis 2001, et qui avait commencé par l’offensive « militaro-humanitaire » Bombs and Bread[4] , presqu’unanimement critiquée par la communauté humanitaire. Même Hubert Védrine, cité dans l’ouvrage, constate avec dépit : « Est-on là pour écraser les foyers de terrorisme ou pour démocratiser, éduquer, etc. ? On ment aux populations occidentales et afghanes en affirmant que nous aidons une population en difficulté, à la démocratiser, etc. – mais en fait, nous ne sommes là que pour défendre nos intérêts de sécurité. » 

J.C. Notin conclut avec perspicacité que « la France sait  peut-être mieux que d’autres que le royaume de l’insolence peut aussi être le cimetière des prétentions. » L’avenir dira si la récente volonté des Présidents Obama et Sarkozy de commencer le retrait de leurs troupes d’Afghanistan est le reflet de cette lucidité…   

NB : Le prix de l’essai de L’Express a été décerné le 23 juin dernier à J.C. Notin pour son dernier livre,  La guerre de l’ombre des Français en Afghanistan.  



[1] CIA : Central Intelligence Agency 

[2] DGSE : Direction Générale de la Sécurité Extérieure 

[3] ISI : Inter-Service Intelligence 

[4] « Bombes et Pain », le terme militaro-humanitaire étant bien entendu complètement antinomique et inapproprié.

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Otages : quelles leçons possibles?

Posté par Jérôme Larché le 3 juillet 2011

Edito Grotius.fr Juillet-Août 2011

La libération récente des journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier, otages depuis 18 mois en Afghanistan, est un soulagement réel pour leurs familles, pour les autorités françaises, mais aussi pour de nombreux français qui, jour après jour, suivait le compteur affiché par leur confrères. Cette libération ne doit pas faire oublier que neuf autres français restent retenus en captivité, dans des conditions quasi-inconnues, que ce soit en Somalie, au Yemen et Niger.

Hormis leur nationalité française, les statuts de ces otages, comme les circonstances de leur enlèvement, sont bien différents. Peut-on ainsi comparer les situations de l’agent de la DGSE enlevé en Somalie à celui des quatre français d’AREVA enlevés au Niger, ou à celle des trois humanitaires de l’ONG Triangle Génération Humanitaire enlevés au Yemen ? Probablement pas, car les motivations et les objectifs (politiques et/ou financiers) des ravisseurs ne sont pas les mêmes. On peut toutefois établir un certain nombre de constats.

Tout d’abord, il s’agit d’une véritable situation de crise, quelque soit l’institution concernée (gouvernement, entreprise, ONG), qui va remettre en question des modalités opérationnelles antérieures, voire faire stopper des activités jugées jusque là essentielles.

Ensuite, la gestion de crise est un processus multiforme et de longue haleine, qui va éventuellement nécessiter la participation de « spécialistes » de la négociation qui, même si la médiatisation de certains otages a pu paraître bénéfique, travaillent dans la discrétion.

Si une prise d’otage(s) n’est jamais neutre, la façon dont celles-ci sont traitées sur le plan médiatique ne l’est pas non plus. Les journalistes ont fait le choix clair de médiatiser les situations qui touchent leurs confrères. Cette attitude n’est pas nouvelle, si l’on se rappelle des enlèvements dans les années 80 en Afghanistan. Les militaires et les agences gouvernementales font le choix de la discrétion, choix logique par rapport à leur « culture », mais aussi peut-être parce que les enjeux politiques et opérationnels sont différents. Contrairement aux enlèvements d’humanitaires médiatisés en Afghanistan il y a quelques décennies (celui du Dr Augoyard, par exemple), les responsables d’ONG humanitaires préfèrent aujourd’hui le « profil bas » et privilégient la discrétion des négociations, activant aussi leurs réseaux locaux pour obtenir des informations.

De plus, des prises d’otage de journalistes ou d’humanitaires, ne peuvent être le prétexte à une remise en question du droit d’information ou du droit d’initiative humanitaire sur des terrains de conflits qui, par définition, sont des terrains dangereux. L’analyse préalable – et approfondie – des enjeux de sécurité et la connaissance des déterminants locaux d’une possible insécurité restent bien sûr indispensables, mais ne peuvent à eux seuls interdire toute action. Sur un plan plus tactique, des critiques ouvertes sur le comportement de tel ou tel, alors qu’il est captif, comporte des risques objectifs de rendre encore plus difficile les négociations en cours. Toujours est-il que la gestion médiatique des prises d’otages nécessite beaucoup de retenue, tant les inconnues sont nombreuses, et la tentation de leur instrumentalisation politique, abandonnée.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’il y a souvent des otages d’autres nationalités impliqués avec des otages français (comme le togolais et le malgache enlevés à Arlit au Niger, et relâchés depuis).

  

Une prise d’otage constitue donc un événement extrêmement déstructurant, à l’image d’une onde qui se propage en cercles concentriques de plus en plus larges, même si l’impact le plus fort atteint en premier lieu les victimes et leur entourage proche. A l’issue d’une telle crise, des édifices solides peuvent se renforcer, mais aussi se fissurer et parfois s’écrouler.

 

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